Navigation umschalten

ÉTUDES DE CAS ONE HEALTH I

3.2

Un aperçu de la lutte intégrée contre la rage

La rage est une zoonose virale classique qui infecte toutes les espèces de mammifères. Elle se transmet généralement de manière invasive par infiltration de salive dans une morsure, entraînant une encéphalite accompagnée de symptômes distincts et graves, suivis du décès.

Depuis les premières descriptions de cette pathologie ancienne, les animaux, et en particulier les chiens, ont été reconnus comme l’origine et la cause de la rage chez les êtres humains. Aujourd’hui encore, la rage est un exemple de problématique One Health nécessitant une compréhension des liens entre les êtres humains et les animaux et une approche intégrée de la lutte contre les maladies.

Selon Rosset (1985), peu avant de découvrir le premier vaccin antirabique pour l’être humain grâce à des expériences sur des lapins et des chiens, Louis Pasteur écrit en 1882 dans sa troisième correspondance à l’Académie des sciences :


[…] l’homme ne contractant jamais la rage qu’à la suite d’une morsure par un animal enragé, il suffira de trouver une méthode propre à s’opposer à la rage du chien pour préserver l’humanité du terrible fléau. (People contract rabies only after a bite of a rabid animal; it would be enough to find a proper method to fight rabies in the dog to protect humanity from this terrible scourge.)

Bien que cette déclaration de Pasteur ne se réduise à simplifier l’épidémiologie de la rage en ignorant la rage sylvatique dans les réservoirs de faune sauvage et la transmission du lyssavirus par les chauves- souris, elle décrit l’essence même de la prévention antirabique chez les êtres humains.

Aujourd’hui encore, le chien domestique est le principal vecteur de transmission de la rage à la population, étant responsable de plus de neuf cas sur dix dans le monde. On estime que sept millions de personnes par an entrent en contact avec un chien enragé et devraient recevoir une prophylaxie post-exposition (PPE). Ce traitement est la seule mesure disponible pour prévenir l’apparition de la maladie, mais il est souvent inaccessible pour diverses raisons, notamment la méconnaissance des endroits où demander de l’aide, le manque d’argent pour payer le traitement ou simplement l’absence de vaccin dans les établissements de santé locaux.

Malgré l’exploration de différents protocoles, il n’existe aucun traitement efficace contre l’encéphalite rabique et la maladie est presque toujours mortelle. Bien que la PPE soit très efficace en termes de prévention, plusieurs centaines de milliers de personnes en Afrique et en Asie n’ont pas accès à une PPE rapide et appropriée. En conséquence, on estime qu’au moins 59 000 personnes meurent de la rage chaque année, ce qui représente une sous-déclaration des cas de rage humaine d’un facteur de 20 (en Asie) à 160 (en Afrique).

La rage peut également être prévenue efficacement chez les hôtes humains et animaux par la vaccination pré-exposition, grâce à plusieurs vaccins hautement immunogènes et efficaces. La disponibilité de vaccins efficaces ouvre la perspective d’une lutte et d’une élimination efficaces de la rage, et plusieurs autres caractéristiques de la rage répondent en outre aux critères d’une maladie qui peut être éradiquée. Le virus ne peut pas subsister dans l’environnement, aucun état porteur n’a été identifié et la période infectieuse ne dure que quelques jours jusqu’à ce que l’hôte décède immanquablement.

En outre, le taux de reproduction de base ($$R_0$$) de la transmission de la rage canine est constamment inférieur à 2, indépendamment de la densité canine et de la situation démographique, ce qui suggère que l’élimination devrait être épidémiologiquement possible. Cette constatation est étayée par des données empiriques démontrant le succès de l’élimination de la rage canine en Europe, en Amérique du Nord et récemment en Amérique latine, où les cas de rage humaine et canine ont considérablement diminué après les campagnes de vaccination canine de masse.

La charge principale de cette maladie se trouve aujourd’hui en Asie et en Afrique, où la rage continue d’être négligée dans de nombreuses régions, et son impact sur la santé publique est trop souvent éclipsé par d’autres maladies prioritaires comme le VIH/sida, le paludisme et la grippe aviaire. Cette situation illustre bien les inégalités en matière d’investissements dans le domaine de la santé qui visent à prévenir les zoonoses émergentes (perçues comme une menace pour les pays à revenu élevé) par rapport à la prévention et à la lutte contre des zoonoses endémiques négligées (touchant principalement les communautés à faible revenu).

Bien que le nombre de vies perdues et les coûts estimés puissent être considérés comme moins contraignants que d’autres priorités de santé publique, plusieurs études ont démontré la rentabilité de la lutte contre la rage canine pour prévenir les décès provoqués par la rage humaine. Le seuil de couverture vaccinale d’une espèce réservoir nécessaire pour interrompre la transmission a été estimé à 70%. En ce qui concerne la rage canine, les campagnes de vaccination ont atteint ce niveau avec succès, mais des difficultés subsistent pour atteindre et maintenir une couverture suffisante dans certains milieux ruraux et urbains à faible revenu, où les cheptels canins sont évolutifs et mal suivis.

On prend également de plus en plus conscience de l’importance d’assurer l’exhaustivité des campagnes de vaccination au sein des communautés, afin d’éviter les lacunes de la couverture vaccinale qui peuvent compromettre gravement les efforts en matière de lutte. Pour la prévention de la rage humaine, le faible accès aux vaccins pré et post-exposition reste un problème pour les communautés éloignées et marginalisées. Les systèmes de surveillance de la rage chez les êtres humains et les animaux, qui sont très faibles ou inexistants dans de nombreuses régions d’Afrique et d’Asie, constituent également un défi majeur.

Au-delà de tous ces points, les activités d’information, d’éducation et de communication doivent être incluses et diffusées largement et régulièrement au sein des communautés, des agences gouvernementales, des hôpitaux, des centres de santé, des écoles, des paroisses et des entreprises privées parmi tous les acteurs et toutes les parties prenantes potentiels.




Références (en anglais)

Cet article a été adapté de Lechénne, M. et al. (2015). Integrated Rabies Control, in: Zinsstag, J. et al. One Health. The Theory and Practice of Integrated Health Approaches, Wallingford, CABI, 176-189.

Rosset, R. (ed.) (1985). Pasteur et la Rage, Paris, Informations techniques des Services Vétérinaries, Ministère de l’Agriculture. (Cites Louis Pasteur’s letter to the academy of science: ‘New facts to serve the knowledge of rabies’, 11. December 1882.)

Lizenz

Université de Bâle