ÉTUDES DE CAS ONE HEALTH I
3.11
Dangers et risques alimentaires
Les aliments contaminés sont à l’origine de nombreuses maladies aiguës et permanentes, allant des maladies diarrhéiques à diverses formes de cancer. L’organisation mondiale de la santé (OMS) estime que les maladies diarrhéiques d’origine alimentaire et hydrique combinées tuent environ 2,2 millions de personnes par an, dont 1,9 million d’enfants. Les maladies d’origine alimentaire et les menaces pour la sécurité sanitaire des aliments constituent des préoccupations croissantes en matière de santé publique et d’économie locale.
Sur les cinq principaux agents pathogènes responsables de maladies parmi les citoyens des États-unis d’Amérique, quatre ont un réservoir animal, tandis que plus de 80 % des décès identifiés à partir de maladies d’origine alimentaire sont imputables à seulement trois agents pathogènes zoonotiques : Salmonella spp., Listeria monocytogenes et Toxoplasma gondii. La volaille est l’aliment le plus souvent impliqué (25%) mais le bœuf, le porc, les mollusques et les poissons sont également concernés, chacun étant responsable de plus de 10% de la totalité.
De nombreuses études se concentrent sur l’identification des risques liés aux aliments d’origine animale, mais n’estiment pas les conséquences et les impacts des risques en termes de maladies et de décès humains. Sans cette information, il est difficile pour les décideurs d’allouer de manière rationnelle les ressources pour la gestion des risques. L’identification des risques a suscité l’effroi des médias et, par conséquent, une perte de confiance envers les produits dérivés du bétail. La chute spectaculaire de la consommation qui en résulte a des effets négatifs sur les moyens de subsistance de ceux qui sont engagés dans la chaîne de valeur alimentaire ainsi que sur la nutrition des consommateurs.
Des études sur le lait en Afrique orientale ont révélé que, bien que les risques zoonotiques soient présents dans pas moins de 1 % des échantillons de lait des ménages, les infections chez l’être humain ont été dans un ordre de grandeur au moins deux fois moins fréquentes. Alors que de petites quantités de lait produites et manipulées par des agents du secteur informel ont augmenté le risque de contamination croisée, la pratique répandue des consommateurs consistant à faire bouillir le lait a considérablement réduit le risque de pathologie.
On définit un risque comme tout agent biologique, chimique ou physique qui, en l’absence de contrôle, est raisonnablement à même de provoquer des dommages aux êtres humains, à d’autres organismes ou à l’environnement. Le risque est la probabilité que le préjudice prévu se produise, notamment les conséquences pour la santé publique, l’écologie et l’économie. Les risques peuvent inclure, sans s’y limiter, les agents pathogènes microbiens qui provoquent des maladies d’origine alimentaire avec des symptômes tels que la diarrhée et la fièvre, les pesticides qui provoquent des empoisonnements ou les véhicules à moteur qui causent des accidents de la route. L’identification des risques est la première étape de l’évaluation des risques. Les études de cas présentées par Roesel et al. (2014) montrent qu’il existe des dangers microbiens, chimiques et physiques dans les aliments.
Traditionnellement, les risques associés au bétail et aux aliments d’origine animale étaient gérés par une réglementation de ‘commande et de contrôle’ impliquant l’inspection et la production, la transformation et la vente, assortie de poursuites judiciaires en cas de préjudice. Cette approche était de plus en plus incapable d’assurer la sécurité sanitaire des aliments.
Durant la dernière décennie, l’analyse des risques a dominé de manière probante la sécurité sanitaire des aliments et le commerce des animaux et des produits d’origine animale. Elle propose une méthode scientifique, structurée et transparente pour répondre aux questions qui intéressent les décideurs politiques et le public : ” Est-ce que cet aliment est sûr ? ” ” Est-ce que le risque est grand et important ? ” ” Quels sont les efforts appropriés pour réduire le risque ? ”
L’analyse des risques comporte trois volets : l’évaluation des risques, la gestion des risques et la communication des risques. Les trois images ci-dessous présentent différentes approches de l’analyse des risques.
La première étape, celle de l’évaluation des risques, donne à la fois une estimation des dommages et de la probabilité qu’ils se produisent. Après avoir identifié et caractérisé le risque, l’étape suivante consiste à évaluer dans quelle mesure les consommateurs sont exposés au risque. Cela permet de comprendre le ” risque réel ” associé à la présence d’un agent nocif. En évaluant la concentration des risques dans les aliments et le nombre de personnes qui manipulent le produit contaminé, et en déterminant la fréquence et la part de consommation de ces aliments on peut évaluer le risque pour les individus et les groupes de personnes dans une région précise. Les données fondées sur des preuves permettent enfin aux autorités de santé publique de fixer des niveaux seuils de contaminants dans les aliments, sous forme de ” niveaux de protection acceptés “.
Pour être utile, l’évaluation des risques doit être suivie de mesures visant à atténuer les risques qui sont inacceptables pour les parties prenantes. La gestion des risques fait appel à des approches par cheminement, par exemple ‘de l’étable à la table’, et à la modélisation par probabilité pour identifier les points de contrôle critiques et appliquer des stratégies pour éliminer ou réduire les risques. Le troisième, et intégral, volet d’analyse des risques est le risque de communication : il s’agit du processus itératif consistant à communiquer les risques aux personnes concernées et à intégrer leurs réactions dans l’évaluation et la gestion des risques L’analyse des risques offre une nouvelle approche de la gestion de la sécurité sanitaire des aliments. Non seulement elle est plus efficace pour réduire les risques, mais elle peut aussi servir de passerelle entre les préoccupations relatives à la sécurité sanitaire des aliments et aux conditions de vie.
Comme toutes les idées dominantes, l’analyse des risques n’est pas exempte de critiques. Les gens soutiennent que l’analyse des risques est quantitative et réductionniste, qu’elle ne tient pas compte des préoccupations légitimes des gens et que l’information découlant des évaluations de risques est vide de sens ou sans valeur. Certains vont même plus loin, estimant que l’évaluation des risques fait partie d’une conspiration organisée par l’agrobusiness. Si nombre de ces préoccupations sont réfutables pour des raisons techniques, cela ne répond pas aux craintes et préoccupations sous-jacentes qui incitent de nombreuses personnes à rejeter, par exemple, les vaccins, les aliments génétiquement modifiés, le lait pasteurisé ou l’eau fluorée.
D’après les analyses et recherches précédentes, intégrer des méthodologies participatives permet d’améliorer l’engagement des parties prenantes dans l’analyse de risques. Depuis leur introduction dans les années 1970, les méthodes et techniques participatives sont devenues des outils essentiels pour le développement communautaire et ont été appliquées dans divers contextes et secteurs. Ces techniques sont encouragées au motif qu’elles sont plus efficaces, plus durables, moins coûteuses et plus éthiques dans leur intégration des populations pauvres dans la planification et les décisions qui les concernent et ont été largement utilisées dans la recherche sur le bétail.
Références
Roesel, K. et al. (2014). Hazards Do Not Always Translate into Risks, in: Roesel, K. and Grace, D. (Eds.). Food Safety and Informal Markets: Animal Products in Sub-Saharan Africa, London, Routledge, 31–44.
Lizenz
Université de Bâle