MÉTHODES MIXTES ET QUALITATIVES DE ONE HEALTH
4.3
Comprendre ce que les gens disent, croient, pensent et font
Les zoonoses telles que l’anthrax, la brucellose et la tuberculose bovine (TBb) sont des problèmes de santé importants parmi les populations d’éleveurs itinérants, comme les Peuls, dans la région du Sahel. Ces pathologies affectent leur propre santé et celle de leur bétail qui constitue leur principale source de revenus.
D’un point de vue biomédical, le fait de vivre à étroite proximité du bétail et de consommer des aliments d’origine animale risquant d’être contaminés augmente le risque d’exposition à différentes voies de transmission d’agents pathogènes zoonotiques. Cependant, la perspective biomédicale ne nous montre qu’une seule face du cube. Nous voyons un carré vert.
Jusqu’à présent, on sait peu de choses sur les contextes sociaux dans lesquels se produisent l’anthrax, la brucellose et la tuberculose bovine. Comment les éleveurs peuls expliquent-ils ou conceptualisent-ils les maladies transmissibles de l’animal à l’être humain ? Perçoivent-ils un risque de transmission ? À quoi ressemble leur comportement favorable à la santé face à un incident de maladie ?
Une étude sur les perceptions des maladies et les comportements favorables à la santé des éleveurs peuls au Tchad a révélé que ces derniers ignoraient le concept de maladie pour les zoonoses et qu’ils qualifiaient les pathologies de maladies animales ou humaines Il n’existait pas de concept visible correspondant à la notion biomédicale de « zoonose ». Grâce à des méthodes qualitatives, l’étude a révélé que chez les Peuls, très peu de maladies, comme l’anthrax, étaient perçues comme transmissibles des animaux aux êtres humains. Les symptômes des trois zoonoses, l’anthrax, la brucellose et la tuberculose bovine, étaient considérés comme une charge de morbidité pour les animaux plutôt que pour les humains, car ils étaient considérés comme provoquant des souffrances et une mortalité chez le bétail plutôt que chez les êtres humains. Un informateur a indiqué que « le risque que des animaux nous rendent malades est faible car nous vivons en étroite proximité avec eux et que nous sommes toujours en vie ».
Une récente étude ethnovétérinaire dans le nord du Cameroun a montré des résultats similaires. Les noms et les descriptions des causes, des symptômes et des modes de transmission de l’anthrax, de la brucellose et de la tuberculose bovine étaient différents chez les humains et chez le bétail. En ce qui concerne la perception des maladies chez les éleveurs peuls, les autres problèmes de santé, tels que dankanoma (helminthes / infection à trichuriasis / hémorroïdes) et memri / peowri (pathologies rhumatismales) étaient beaucoup plus important à leurs yeux.
Les idées sur l’importance d’un problème de santé ont un impact sur les comportements favorables à la santé. Elles appartiennent à la perspective émique ou perception interne. Cette perspective contraste avec la perspective d’observation externe, dans notre cas la perspective biomédicale, que nous appelons étique. En adoptant la perspective émique, nous voyons une autre face du cube : un carré bleu. Vous en apprendrez plus sur les perspectives émiques et étiques dans une prochaine étape.
Un géographe peut examiner les corrélations entre le pH alcalin des sols et les épidémies d’anthrax et trouver une corrélation. Il s’agit encore d’une autre perspective. Ou encore, les services vétérinaires savent comment atteindre le plus efficacement les éleveurs itinérants pour la vaccination du bétail contre l’anthrax. Un point de vue concret suggérerait alors que le bétail des éleveurs peut être idéalement vacciné au cours d’une période pendant laquelle ils ne se déplacent pas encore sur de longues distances avant la saison des pluies où le bétail est susceptible d’être infecté dans ces zones. D’un point de vue concret, ils voient le carré orange au lieu du cube.
Ce n’est que lorsque les trois perspectives - émique, étique et concrète - sont combinées que l’on peut voir que les différents carrés appartiennent à un cube. On peut aussi y voir une triangulation d’un problème.
Essayez de formuler une question One Health et décrivez comment vous pourriez concevoir une étude qui comprendrait éventuellement les trois perspectives du contexte, de la biomédecine et trouvez un point d’entrée pour agir**
Références (en anglais)
L’article suivant est en allemand avec un sommaire en anglais: Krönke, F. (2004). Hilfesuchverhalten und die Barrieren der Nutzung des öffentlichen Gesundheitswesens bei pastoralnomadischen FulBe im Tschad, in: Anthropos 99, 25-38.
Moritz, M. et al. (2013). On Not Knowing Zoonotic Diseases: Pastoralists’ Ethnoveterinary Knowledge in the Far North Region of Cameroon, Human Organization 72(1), 1-11.
Lizenz
Université de Bâle